Francoland selon Joan Pons
L'écrivain minorquin Joan Pons vit à Barcelone, le cœur et l'esprit «entre deux épées» pour reprendre le vers de son aîné le poète Gumersind Gomila. Par delà ses romans et sa poésie, il est connu, des deux côtés de la Méditerranée, pour ses «pedraules» («pierroles»), mot valise entre «pierre» et «parole», qu'il publie chaque dimanche dans le quotidien insulaire Menorca.
Ce dimanche, son petit caillou, sa pierre vive, s'intitule «Francoland». Par delà la situation catalane, c'est de l'Espagne qu'il parle. À partir de la figure de grands intellectuels espagnols et non sans ironie, il montre combien ceux-ci ont contribué à l'essor de l'indépendantisme catalan.
C'est le cas de Fernando Savater pour qui «les langues et les territoires n'ont pas de droits, ce sont les personnes qui ont des droits». Or un citoyen catalan, pour Joan Pons, n'a pas les mêmes droits qu'un citadin madrilène ou que l'habitant des îles baléares catalanophones : le Madrilène ne paie pas les péages des autoroutes car ce sont des voies express, il parle sa langue en tout lieu, de l'école maternelle jusqu'au tribunal, le coût de la vie y est notablement inférieur. Il peut voir dans les grands musées de sa ville gratuitement les trésors de l'art espagnol et mondial pour lesquels les autres citoyens espagnols paient des impôts mais aussi des billets d'entrée.
Joan Pons cite un second auteur, membre de l'Académie royale, Antonio Muñoz Molina, auteur de l'expression «Francoland» avant d'en déduire le raisonnement suivant : si à l'étranger on croit que l'Espagne n'est pas une démocratie, comment se fait-il que les Espagnols -à l'exception des Catalans- le croient ? Et il prend l'exemple du chardonneret en cage qui croit y être libre puisqu'il ne connaît de liberté qu'entre les barreaux. Pour l'écrivain minorquin, cette illusion vient de ces grands auteurs, serviteurs zélés du régime. En Espagne, une fondation reconnue d'utilité publique, se consacre à perpétuer la figure du dictateur Francisco Franco. En Espagne aussi, deux citoyens, responsables associatifs sans sang sur leurs mains ni argent sale dans leur poche, sont en prison préventive. L'Espagne c'est Francoland, la terre de Franco, qui doit bien rire dans son mausolée du Valle de los Caídos.