La destitution du Major Trapero
D'aucuns en Espagne, farouchement monolingues -il n'est que de songer à leur incapacité de prononcer correctement la première lettre du mot «Generalitat»-, reprochent à la Catalogne de n'être que «catalane», d'exiger que l'on s'y exprime en catalan, bref qu'il n'est de bon bec que de Barcelone.
Francesc Candel, il y a plus de cinquante ans avait déjà rebattu cette opinion infondée dans Els altres catalans (les autres catalans), une étude sociologique de grande qualité et à longue portée. La Catalogne est ouverte, elle s'enrichit des apports des autres communautés de la Péninsule ibérique, des autres États européens et des terres au-delà des morts. Qui sait, par exemple, qu'il y a 40 000 Français régulièrement inscrits au Consulat Général de France à Barcelone ? Une petite Narbonne au sein de la capitale catalane. La Catalogne a accueilli des migrants et en aurait accueilli encore plus s'il n'y avait eu le veto espagnol. À Béziers, où j'effectue une partie de mon enseignement, certaines de mes étudiantes voilées, d'origine marocaine, s'expriment dans un catalan et un castillan parfaits qu'elles ont tous deux acquis dans les écoles, collèges et lycées de Catalogne, n'en déplaise au député du Parti Populaire Xavier García Albiol qui ne parviendra pas à faire croire à la ségrégation de l'Espagne et de l'espagnol dans le système éducatif catalan.
Josep Lluís Trapero, fils d'un chauffeur de taxi de Valladolid, âgé de 52 ans, élevé dans la banlieue barcelonaise de Santa Coloma de Gramenet est entré à 24 ans à l'École de police de la Généralité de Catalogne dont il est sorti simple agent. Moins de trente ans plus tard, il était nommé Major, l'équivalent de Directeur des Services Actifs de la Police Nationale en France. Fonctionnaire irréprochable, plusieurs fois décoré, il a géré avec brio les attentats djihadistes de Barcelone. Il est l'exemple même qu'en Catalogne, chacun a son bâton de maréchal dans sa musette.
Il vient d'être destitué, cette nuit, par le ministre de l'intérieur espagnol, agissant comme conseiller de Catalogne en vertu de l'application de l'article 155 de la Constitution espagnole.
Gageons que la nouvelle République catalane saura en faire le chef de sa police d'État qui portera toujours le nom séculaire de «Mossos d'escuadra».