Non, ce n'est pas une république en carton

«Une république en carton», le mot fait florès sur les lèvres des «spécialistes» qui se rengorgent sur les ondes françaises. Enseignants-chercheurs que l'on baptise pompeusement du titre de géographes, inusable politicien du sud-ouest, écharpe au vent, tous parlent avec gravité ou légèreté et tempêtent contre le vote du parlement de Catalogne. «Une république en carton», comme pour contrer ou, à tout le moins, nuancer d'autres expressions comme celle de «Révolution de velours» ou de «République des sourires».
Je ne sais pas si la république catalane survivra à ce week-end un peu fou, si elle résistera aux attaques précipitées de Madrid -la destitution du major Trapero au petit matin- et à l'indifférence marquée de la communauté internationale, mais je sais qu'elle est tout sauf une république en carton. Le roi se tait, le roi s'est tu. Gageons qu'il distillera sous peu son fiel préparé sous la dictée Populaire -avec une majuscule si minuscule-. Mes amis catalans me disent «vous nous avez envoyé le pire souvenir de la France d'autrefois», je leur réponds avec un sourire un peu éteint que nous avons résolu le problème en les étêtant. J'aime la République, je lui dois beaucoup. Mes parents n'avaient pas d'argent, j'ai pu faire de longues études dans un pays qui reconnaît -encore- le mérite supérieur à la lignée ou à l'argent. Universitaire, je parle en toute liberté à mes étudiants et les invite depuis plus de trente ans à toujours exercer leur esprit critique avec humour, exigence et relativité.
Les Catalans sont calmes et déterminés, modernes et enracinés dans une tradition millénaire. Leur nation existait cinq-cents ans avant la réunion des Espagnes. Leur combat non-violent échappe, enfin, au caïnisme qui a fait tant de mal à l'Espagne.
Non, la république catalane n'est pas en carton, ni même en papier, mais elle a bien des plumes pour se diriger et écrire un mot si longtemps oublié : Liberté.