«Amarillo, que te quiero amarillo»
«Amarillo, que te quiero amarillo» (Jaune, je te veux jaune), le vers est dissonant, l'endécasyllabe bancal. Federico García Lorca n'aurait jamais écrit rien de tel. Il a joliment tourné un octosyllabe tout simple pour exprimer la vie : «Verde, que te quiero verde» (vert, je te veux vert).
La vie, ces jours-ci se teint de jaune. Un jaune arboré fièrement, un jaune impitoyablement honni. Le jaune n'est pas une couleur facile à porter. Cet or du pauvre fut longtemps la couleur de l'opprobre. Près de nous, l'étoile des Juifs, plus loin la couleur jaune dont le Siècle d'Or espagnol affublait les prostituées pour mieux les exclure. Plus loin encore, ce roux bâtard entre le rouge et le jaune, couleurs sœurs (ennemies), qui était, dit-on, la couleur des cheveux de Judas Iscariote.
La population catalane, pour une bonne part, a choisi, depuis plusieurs semaines, de porter au revers de la veste ou épinglé sur le t-shirt ou le pull, un ruban jaune pour témoigner de sa solidarité avec les prisonniers politiques. La commission de contrôle des élections du 21 décembre vient de décider d'en interdire le port à ceux qui siégeront dans les bureaux de vote. Non plus ultra, le Parti Populaire et Citoyens veulent interdire la couleur jaune sur les édifices publics de la ville de Barcelone.
La situation devient kafkaïenne que ne relate pas la presse française. Les citoyens sont incités à signaler toute incitation à la haine alors même qu'on apprend que les policiers nationaux, à Lleida, offrent des balles en caoutchouc aux enfants des écoles. Ce même projectile, interdit en Catalogne, et dont ils firent usage contre leurs aînés lors du référendum du 1er octobre. La Garde civile se vante, sur les réseaux sociaux, de sauver les montagnards égarés même quand ceux-ci sont indépendantistes.
Dans une démocratie ordinaire, ces nouvelles passeraient pour des fakes grossiers. Elles sont malheureusement exactes et aisément vérifiables. La statue de la Vierge des Sept Douleurs, à Cordoue, pleure des larmes de sang... jaune. Bien entendu c'est un fake, la seule chose que j'ai à vous offrir en ce jour.
Liberté pour les prisonniers politiques !