la fable et le mythe
On confond généralement fable et mythe dans le pot commun d'un récit de faits non avérés et à portée symbolique ou morale.
Tous les deux se retrouvent en latin où le «mythos» est rare, enchaîné à l'étymon grec, cependant que la «fabula» est fréquente.
La fable est torrentielle et immédiate. Étymologiquement elle définit en premier lieu les propos de la foule où l'outrance est gage de succès et de diffusion. La presse espagnole, à de rares exceptions, près, est, ces temps-ci, dans la fable. Taisant les turpitudes du parti au pouvoir, elle considère ce qu'il se passe en Catalogne par le petit bout de la lorgnette dont elle déforme et amplifie l'image. La manifestation du 11 novembre pour demander la libération des prisonniers politiques est-elle ainsi illustrée de plans étroits et d'aucun plan large montrant l'ampleur du mouvement.
De la même façon, la question posée, en français, par un journaliste du quotidien belge Le Soir et insérée en titre comme une affirmation -«une autre solution que l'indépendance est possible»-, a-t-elle donné lieu à un feu d'artifice d'hyperboles sur la reculade du président Puigdemont. La fable, en l'occurrence, n'entre pas dans le détail et se moque de la diachronie. Carles Puigdemont est indépendantiste depuis trente ans. Il rappelle un temps proche où ce sentiment n'était pas enraciné et où seuls 14 députés sur 135 étaient favorables à l'indépendance.
Alors, me direz-vous, où est le mythe dans tout cela ? Le mythe délaisse le court terme pour la longue durée. L'indépendance est l'étape d'un mouvement catalan multiséculaire qui place la chose publique, et non les tripatouillages individuels, en son cœur. Chose publique ? Vous avez compris où je voulais en venir. C'est la République qui prolonge, en l'incarnant, le mythe fédérateur de la Catalogne.
Et les os de Mariano Rajoy blanchiront à l'étroit dans son cercueil de chêne quand ce mythe, encore rénové, continuera de progresser.