la sagesse frileuse d'Andreu Mas-Colell

Andreu Mas-Colell est un grand économiste et une référence internationale en matière de microéconomie. Ses conseils avisés, son objectivité critique, ont accompagné la marche de la Catalogne, dont il a été ministre, tant des universités et de la recherche que de l'économie, ces dernières années. 

Dans une tribune du quotidien Ara, publiée en ce soir du 11 novembre, à l'issue d'une manifestation qui a réuni 750 000 personnes sur les 3 kilomètres du Carrer Marina de Barcelone pour soutenir les prisonniers politiques catalans, il appelle à la détente. Détente qu'il avait cru percevoir dans les heures suivant la proclamation d'indépendance, notamment dans les paroles et les actes du président Puigdemont et de la présidente Forcadell. 

Les incarcérations du 30 octobre lui ont prouvé qu'il n'en était rien. Pire, l'arrêt de l'économie le 8 novembre -«aturada de país»-, avec les occupations de gare et les coupures des trafics autoroutiers et ferroviaires lui ont rappelé les événements de mai 1968 en France. Ainsi craint-il que les entraves économiques à la bonne marche de la Catalogne et de l'Espagne ne soulève la peur et l'incertitude et ne se traduise par une victoire des forces conservatrices, à l'instar de la majorité absolue de l'Assemblée Nationale française élue à la suite de mai 68.

Pour intéressant que soit ce parallèle, il pèche sur deux points. En 1968, la France était une démocratie mûre, ce qui n'est pas le cas de l'Espagne de 2017, les accords de Grenelle se sont traduits par une augmentation du pouvoir d'achat sans précédent et une profonde mutation sociologique.

Je ne sais ce que sera la Catalogne dans un an, ni même dans cinq semaines, mais je pense -et veux croire- qu'elle a entrepris une mutation profonde qui ne sera pas sans effet sur la péninsule ibérique et l'union européenne.