Les inconnues du scrutin du 21 décembre

Les jours présents comptent pour des semaines, les semaines des mois. La proclamation de la République catalane le 27 octobre dernier suivie ipso facto de la mise en œuvre d'un article 155 flou et extensible ad nutum, pour ne pas dire ad nauseam, dessinaient les voies parallèles de deux légalités synchrones. Il n'en a rien été. 

La vacuité du week-end suivant, le départ du Président Puigdemont pour la Belgique, la permanence des Jordis dans leur prison, la comparution éclair du vice-président et des ministres restants du gouvernement catalan devant la Cour espagnole, suivie de leur incarcération, l'annonce de Madrid d'élections autonomiques pour le 21 décembre, tout a contribué à réduire ces deux voies parallèles à une seule, aussi inflexible qu'incertaine.

Renversant le poker à son avantage, Mariano Rajoy voit dans ces élections l'occasion de porter un coup fatal à l'indépendantisme. Ses troupes se préparent. Au sein de son propre parti, en la personne de Xavier García Albiol, et dans celui de Citoyens, en celle d'Inés Arrimadas qui compte bien être la future présidente de ce qui ne serait qu'une députation bis, au service exclusif de Madrid, avec l'appui de socialistes «catalans» insipides et soumis qui violent jour après jour l'esprit de lesurs aînés de la Transition, Joan Raventós et Josep Pallach. Pour cela, elle s'appuie sur son compagnon, issu des rangs favorables à l'indépendance et qui vient de lancer un nouveau parti, du nom croquignolet de «Lliures» (Libres). 

Dans les rangs de l'indépendantisme, la République déclarée n'est qu'en sommeil et les élections, renforcées par un sondage avantageux du CEO, peuvent être l'occasion d'obtenir la majorité des suffrages exprimés et non plus seulement des sièges obtenus. Or les inconnues sont nombreuses et périlleuses. D'abord du côté des partis. Le centriste PDeCAT appelle à une liste unitaire suivi par la Gauche Républicaine qui, à son tour, appelle à l'unité. La CUP opte pour une «marca blanca» (marque repère, dans la langue des supermarchés) qui lui permettrait de s'intégrer dans des coalitions au coup par coup. Bref, le désir d'asseoir la République ne parvient pas à laisser de côté de profondes disparités idéologiques.

Surtout, une inconnue de taille demeure, la plus importante. Le gouvernement central n'interdira-t-il pas ces partis ou coalitions dont l'objectif est clairement «anticonstitutionnel» ? Une situation s'imposerait alors qui rappellerait celle qu'a vécu le Pays Basque il y a quelques années : une coalition de partis unionistes disparates et liés par la seule haine issus d'élections avec une très forte abstention. La réponse, dès lors, appartiendra à la rue laissée hors du jeu politique. Il ne faudra rien attendre d'une Europe moribonde et, comme l'exprimait naguère Pere Cardús dans un article du quotidien Ara, les Catalans ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour dessiner ce que sera leur avenir.