Lettre du 04/11/17 de Jordi Armadans à Raül Romeva, ministre des affaires étrangères de la République Catalane, aujourd’hui en prison
Cher Raül (et
Jordi, et Oriol, et Meritxell, et Dolors, et
Josep, et Joaquim,
et Carles, et Santi). Et les Jordis.
Cher Raül,
Je ne sais pas si
tu as passé une bonne nuit.
J’ai peu dormi.
Comme beaucoup d’autres nuits dernièrement. Mais beaucoup plus choqué et
bouleversé que beaucoup d’autres nuits.
Quand je me suis réveillé,
je me suis rappelé que, au début des années 90, nous nous sommes rencontrés
dans une réunion sur l’objection de conscience. Tu es devenu objecteur, parce
que tu aspirais à un monde sans violence et que tu refusais de faire l’apprentissage
de la mort.
Ton engagement t’a
amené en Bosnie, ta chère Bosnie. C’est là-bas que tu as connu de plus près la
brutalité, la cruauté, et la stupidité de la guerre. Et, c’est là-bas que tu es
devenu solidaire et proche avec tous les gens qui souffraient des conséquences
des conflits armés et des violations de droits humains.
Tu as travaillé au
Centre UNESCO de la Catalogne, en développant des propositions qui puissent
connecter la Catalogne avec le besoin d’une nouvelle gouvernance globale, plus
soutenable, juste et démocratique.
Tu t’es engagé à
fond avec l’Ecole de Culture de Paix de l’Université Autonome de
Barcelone, en
accompagnant notre cher Vicenç Fisas.
Pendant beaucoup
d’années tu as promu la recherche pour la paix, au service d’une transformation
fondée sur l’analyse et la rigueur.
Tu as décidé de
rentrer en politique au sein de la gauche alternative. Et, depuis le
Parlement
Européen, tu as entre autres choses mis l’accent sur les sujets environnementaux
et de désarmement. Tu as parié pour une Europe qui croit dans la démocratie,
les droits humains et la paix.
Finalement, tu as
continué ton incursion politique en participant d’une candidature
unitaire et
transversale, engagé dans la construction d’un nouvel Etat pour la Catalogne qui,
certainement dans ton cas, ne voulait pas dire un Etat fermé mais engagé avec
un monde plus juste et plus digne.
Je me suis rappelé
de tout cela. Parce que j’ai pensé, Raül, que c’est incroyable qu’une personne
comme toi, avec cette histoire, termine en prison dans l’Europe du XXIe siècle.
Incroyable.
Je n’aime pas les
prisons et je n’y crois pas. Mais s’il faut y mettre des gens, je pense à beaucoup
d’autres (des corrompus, des mafieux, des spéculateurs, des violeurs, des criminels
de guerre, des vendeurs d’armes, des assassins, etc.) pour qui cela aurait beaucoup
plus de sens d’être en prison.
Mais certainement
pas à toi. Ni à Jordi, ni à Meritxell, ni à Oriol, ni à Dolors, ni à Josep, ni à
Joaquim, ni à Carles, ni à Santi.
J’ai pensé à toi,
et j’ai écrit ce texte, parce que ça fait très longtemps qu’on se connaît.
Mais je pourrais
parler de quelques-uns des autres.
En fait,
j’encourage les gens qui les connaissent plus à le faire, à écrire leur
portrait.
Comme ça nous nous
rendrons compte de l’énorme erreur que représente votre emprisonnement.
Je ne peux pas
éviter de citer –parce que, je l’admets, je ne m’en suis pas encore remis– Jordi
Cuixart et Jordi Sánchez.
Arrêter, pour une
décision politique, un Parlement et un Gouvernement démocratiquement élu, et de
plus, le mettre en prison, c’est incroyable.
Mais emprisonner
deux personnes du réseau associatif c’est perdre, définitivement, le sens
commun.
Si il y a
quelqu’un qui aime l’Etat espagnol il devrait essayer de changer ces choses. Parce
qu’ils sont en train de le mener vers le précipice.
Au final, dans
l’ensemble, incroyable. Très triste. Très indécent. Et très répugnant.
Mais je n’ai aucun
doute que toute barbarie a sa fin. Et ne t’en fais pas, ne vous en faites pas,
nous travaillerons avec acharnement pour que cette fin arrive.
J’espère donc te
retrouver très bientôt. Toi, et tous les autres membres du Gouvernement.
Et les Jordis que
je n’arrive pas à sortir de ma tête.
Bien à toi, bien à
vous.
Jordi Armadans