Mises en abyme
Lluís Llach est une personne libre, pas une personnalité. Dès qu'on veut l'étrangler dans un modèle, il s'en échappe comme une anguille. Au sommet de la gloire, il a arrêté brusquement de chanter en public, et d'enregistrer. Il s'est essayé, avec succès, au roman. Il a décidé de s'engager en politique sans s'affilier à aucun parti. «Per fer país» (pour faire son pays). Il été le premier à dévoiler le départ du président Puigdemont pour la Belgique. Sa chanson L'Estaca est devenue, à l'instar de Georgia on My Mind dans l'interprétation de Ray Charles, l'hymne de son pays. Et il n'est pas de manifestation qui ne l'entonne, choralement.
Fatigué des escarmouches de la presse madrilène, de ses exagérations et de la pauvreté de son style, j'ai refusé de rentrer en moi-même, ce week-end, je n'ai écrit que très peu sur ce blog, j'ai voulu éclairer ma vision de la réalité au feu de la fiction, pour ce soixante-dixième article du blog. J'ai entrepris la lecture du premier roman de Lluís Llach, Les yeux fardés (Memòria d'uns ulls pintats). Et je me suis laissé porter par ses jeux de miroirs qui sont, n'en doutons pas, l'abyme de la vie même. Je ne dévoilerai pas le roman, tendre et passionnant, mais je m'attacherai à son point de départ, un humble appartement au n°6 de la rue de la Mer à La Barceloneta.
Le face-à-face d'un vieil homme cabotin et d'un jeune metteur-en-scène ambitieux en quête d'un bon filon met, paradoxalement, en lumière la vie chorale de quatre adolescents nés en 1920 et, derrière eux, de tout un quartier. La Catalogne est terre d'entreprises en commun. Des chœurs et orphéons de la fin du XIXe siècle aux «castells» ou aux traditions gastronomiques comme les «calçotades».
Si la République Populaire de Chine n'a pas reconnu la République Catalane, renouvelant son appui au gouvernement de Mariano Rajoy, la Chine a adopté les «castells» et commence à s'y tailler une belle réputation. La Catalogne avance vers sa liberté. Lentement, mais sûrement.