Patois nîmois ? Pas toi, ni moi

Le jeu de mot est faible, je l'avoue. Il dit assez toutefois de l'incompréhension française par rapport à ce qui se passe en Catalogne. Car, ne nous y trompons pas, ce qui est en jeu, c'est la langue première : la langue de l'échange, la langue de l'éducation et de la recherche, la langue de l'ouverture extérieure et du lien entre les générations. 

Or cela, les Français ne peuvent ou ne veulent le comprendre. Dans les Pyrénées Orientales, cela fait bien des années que l'école communale d'Ayguatèbia a été désertée. On peut encore y lire, sous le préau, en capitales noires, «parlez français, soyez propres». Les langues vernaculaires ont disparu au profit d'un français unifié que l'on érige en principe et que l'on défend si mal. Il n'est que de songer aux bouffées de colère contre l'orthographe ou un système morpho-syntaxique jugé trop complexe. Alors, pensez donc, une communauté jouxtant la nôtre et parlant deux, trois ou quatre langues : la catalan, le castillan, l'occitan, langues oficielles, et bien d'autres, l'arabe, le tamazigh, le tamoul... Mon ami, le romancier Xavier Gual, a des élèves issus de dix-sept nationalités dans son lycée d'une banlieue de Barcelone.
Le catalan, qui les fédère toutes, dans une acceptation constante et sans faiblesse, quoi qu'en disent les médias espagnols, ne cesse de se mettre en question, d'accepter sa richesse et de s'adapter au monde singulier qui est le nôtre. Comme le français du Québec, ou l'espagnol d'Argentine, il s'ouvre aux richesses terminologiques de tous ses territoires, sans jamais les regarder de haut. Un enfant est «un nen» à Barcelone et «un al·lot» à Mahon, les néologismes occitans se forgent à Barcelone, sous l'égide du centre de terminologie termcat, dans un respect très strict du génie de cette langue sœur, et même mère, historiquement. Alors quand on rejette le catalan comme un «patois», c'est sa propre identité que l'on dessert, comme, naguère, on rejetait le mariage pour tous. À cette époque je disais aux opposants : «Ne vous inquiétez pas, monsieur Duchmoll, on ne vous contraindra pas à épouser un homme». Maintenant, j'aurais envie de dire à mes compatriotes qui détournent les yeux de ce qui se passe en Catalogne : «personne ne vous contraindra à parler catalan, la république catalane officialise ses trois langues principales, mais vous parlerez d'autant mieux espagnol et français que vous aurez la curiosité de vous frotter au catalan.». Alors, oui, pas toi, ni moi, eux, nous.