«Si les signes vous faschent, ô quant vous fascheront les choses signifiees»

La citation, tirée du Tiers Livre de François Rabelais, invite à délaisser l'apparence qui s'offre à l'émotion pour s'intéresser au fondement qui ne se voit.

Ironie du sort, je l'ai citée voici quelques années, à la suite d'une décision de... Carles Puigdemont, alors maire de Gérone. Ce dernier avait écrit à Google pour demander de bien vouloir retirer des clichés utilisés par ses différents logiciels de localisation, les images de prostituées exerçant leur activité sur les routes menant à la capitale du département éponyme. Il me semblait plus judicieux de s'attaquer aux ressorts sociaux et économiques de cette recrudescence plutôt que de se voiler pudiquement la face en feignant de les ignorer.

Et voici que, quelques années plus tard, le balancier s'inverse avec une gravité inouïe. L'instance suprême chargée de veiller au bon déroulement (sic) des élections du 21 décembre vient de prendre une série de décisions exorbitantes du droit et du fonctionnement des sociétés démocratiques : la télévision publique autonomique TV3 est sommée de ne plus parler de «ministres» («consellers») mais d'«anciens ministres», de la même façon qu'il n'y a ni président ni membre du gouvernement «en exil». Les illuminations des façades et des monuments de la capitale catalane devront bannir la couleur jaune.

En réponse, les magasins se vident des vêtements et des accessoires de cette couleur. Le temps ayant fraîchi, on arbore volontiers une écharpe jaune nouée sur le devant à la façon d'un lacet. Photoshop jaunit les portraits, les articles s'encadrent de jaune, les post-it font florès, nouvelles écailles d'un dragon catalan qui ne meurt jamais que sous les coups de son saint patron et non de la pantomime judiciario-politique madrilène.

Enfantillages, me direz-vous, pied de nez myriadaire ? C'est selon.

Face à la peur qu'instille Madrid au niveau le plus proche du citoyen -écoles, coutumes, médias, non seulement en Catalogne mais dans toutes les communautés autonomes d'expression catalane-, les Catalans ont choisi une sereine dérision. Après la révolution des sourires, vient la détermination des rires. Des rires... jaunes.