Sur l'origine du processus souverainiste en Catalogne
Dans le quotidien Ara, David Miró a publié un article clair et circonstancié sur la genèse du processus qui a abouti à la déclaration d'indépendance :
«Aujourd'hui, il y a huit ans, 12 journaux catalans publiaient un éditorial commun, «La dignité de la Catalogne», qui mettait en garde contre les effets désastreux sur le système constitutionnel né en 1978 qu'aurait une décision de la Cour Constitutionnelle contraire au Statut approuvé par référendum trois ans auparavant L'éditorial dénonçait «ceux qui rêvent de chirurgies de fer qui coupent la complexité espagnole à la racine». il finissait en avertissant l'opinion publique et la classe politique espagnole: «Nous ne sommes pas confrontés à une société faible, prostrée et prête à assister impassiblement à la détérioration de sa dignité». Parmi les journaux qui ont signé ce texte, qui a provoqué un grand scandale à Madrid, il y avait, il est bon de le souligner, La Vanguardia et El Periódico.
Deux ans plus tôt, en novembre 2007, le président de la Generalitat, José Montilla, avait prévenu lors d'une conférence à Madrid que la distance émotionnelle par rapport à l'Espagne augmentait en Catalogne. «Je pense que la première épreuve de loyauté institutionnelle est d'avertir des conséquences politiques graves à moyen et à long terme de la désaffection émotionnelle sévère de la Catalogne envers l'Espagne et les institutions communes », a-t-il dit dans un discours qui es passé à la petite histoire des prémisses du processus souverainiste .
La conclusion c'est que dans la période 2006-2010, tout le monde était conscient en Catalogne qu'une sentence qui dénature le Statut aurait des conséquences catastrophiques pour la relation avec l'Espagne. Et d'énormes efforts ont été faits pour alerter Madrid de ce danger. Des socialistes aux organisations professionnelles qui, en 2007, avaient réclamé la gestion de l'aéroport d'El Prat, sachant que si l'opération du Statut échouait, quelque chose de grave se produirait. C'était sur toutes les lèvres. L'inquiétude était à son paroxysme quant aux manœuvres d'influence sur la Cour constitutionnelle, au grand jour, et sur les fuites aux médias [...]
Mais l'État espagnol n'en a pas tenu compte, il a appliqué ses mécanismes juridiques et sans ménagement a humilié la Catalogne, rabotant un texte fruit d'un double pacte politique (Parlement catalan et Congrès espagnol) et approuvé par référendum populaire [...]
Le corps social catalan a certaines caractéristiques (forte identité nationale, profond sentiment d'autonomie, etc.) qui l'ont poussé à une sorte de réaction pour retrouver la dignité perdue. Montilla avait raison et l'éditorial commun également.
Mais après, les choses ont empiré. Le processus des transferts de compétence s'est arrêté en laissant mourir la commission bilatérale (il y a quelques jours, Mariano Rajoy s'est vanté dans une interview à la radio qu'il n'avait transféré aucune compétence à la Catalogne), la troisième disposition supplémentaire sur l'investissement dans les infrastructures s'est tari et, depuis 2014, le système de financement, qui a été la nième tromperie, est caduc. Et en outre le Parti Populaire a entrepris un processus de recentralisation qui a fait du statut une lettre morte.
Le mouvement indépendantiste se développe sur la mort du pacte statutaire. Telle est l'origine, tout le monde le savait, et personne n'a rien fait.»