Une lettre de prison
D'entre les nombreuses lettres envoyées ces jours derniers par les prisonniers politiques, je vous traduis celle du ministre des affaires étrangères de la République catalane, Raül Romeva :
«Chères et chers,
Il y a exactement une semaine que nous sommes détenus dans plusieurs prisons de l'État.
Je commence ces brèves réflexions pour remercier chacun des marques de soutien, et de chaleur qu'il nous envoie d'une grande diversité de façons.
Je suis désolé de ne pas être en mesure de répondre individuellement à toutes les lettres que nous recevons, et, que nous lisons, n'ayez aucun doute là dessus, avec une énorme émotion.
Chaque dessin, chaque poème, chaque réflexion est une nouvelle bouffée d'air frais qui nous rend un peu plus légère la privation de liberté.
Mais le plus important est que tout ce que je vois : l'empathie, la compréhension, la générosité, l'amitié, toutes les qualités que nous devons toujours beaucoup, mais surtout dans des moments comme celui que nous vivons. Que ce ne soient jamais la vengeance, la haine, la violence qui nous guident, bien au contraire.
Nous sommes ici parce que nous voulons bâtir des ponts, de nouveaux ponts, des ponts solides sur lesquels on puisse tous passer, sans exception, d'où que l'on vienne et où que l'on aille.
Je constate que beaucoup de gens ne le comprennent pas ainsi, et tissent un récit d'inimitié contre ceux qui aspirent simplement à construire une société pacifique et démocratique meilleure, plus juste, plus solidaire, moins exclusive, fondée sur l'autodétermination des peuples et des personnes
C'est pourquoi nous devons persévérer à tendre la main, dans la volonté de dialoguer, dans le besoin de trouver des canaux politiques et négociés.
Le sentiment de vengeance et la volonté d'humilier qui semble guider certaines attitudes et des discours ne va pas aider en quoi que ce soit à bâtir ces ponts, n'y tombons pas. Que les provocations restent sans objet, et en tout cas que nous y répondions toujours le regard clair, haut et digne de celui qui ne veut de mal à personne, mais le bien de tous.
Vous ne cessez de nous répéter que nous ne sommes pas seuls. Eh bien, nous ne nous sentons pas seuls, bien au contraire. Et comme ça, comme une seule peuple, nous nous en sortirons.
Je vous embrasse avec beaucoup d'affection.
Raül Romeva i Rueda
Centre pénitentiaire de Madrid VII Estremera»