Le «machin»

Dans son discours de Nantes du 10 février, le général de Gaulle, dont se réclament tant de politiciens français de gauche comme de droite, parle de l'ONU comme d'un «machin», sur le mode désinvolte d'Albert Cohen peignant dans Belle du Seigneur, un haut-fonctionnaire de la SDN, Adrien Deume, passant le plus clair de son temps à affûter des crayons.

Cinq ans plus tard, dans une conférence de presse dense dont l'INA a conservé l'enregistrement, il précise sa pensée et si le machin n'intervient plus, le machinisme fleurit qui détermine nos sociétés en mutation. Il rêve d'une Europe «de l'Atlantique à l'Oural» comme berceau de la concorde.

Or il semble bien que l'on soit revenu au temps du «machin». Un «machin» qui s'appelle «Union Européenne».

L'Espagne vient de retirer l'ordre d'arrestation à l'encontre du président Puigdemont et de quatre de ses ministres. Une demi-souplesse car, s'ils sont libres d'aller et venir dans l'union, la frontière espagnole leur est fermée, sous peine d'arrestation immédiate. Une demi-mesure à l'image de la libération de six ministres et responsables sur dix incarcérés. Une demi-mesure vraisemblablement fermement suggérée par l'Union Européenne qui ne sait avoir de discours clair sur une affaire qui n'est plus interne à l'Espagne depuis longtemps. 

Les élections du 20 décembre ne se dérouleront pas dans un climat serein. Le vice-président Junqueras, encore incarcéré, a demandé que des observateurs mandatés par l'UE soient présents dans les bureaux de vote. Cela révèle que la confiance n'est pas totalement perdue. Un geste en ce sens remplirait la coquille perçue comme vide ou vaine. La Catalogne, l'Espagne et l'Europe en ont besoin.