Sang et Or

Quand j'étais enfant, je ne comprenais pas qu'on appelle le club de rugby de Perpignan, l'USAP, les «Sang et Or», parce qu'il m'était impossible d'associer le rouge au sang et le jaune à l'or. Le temps a passé et je crois que mon éveil à la symbolique usapiste a  contribué grandement à ma passion pour la rhétorique, entre métaphores, métonymies, synecdoques et catachrèse.

Et voilà que les «Sang et Or» de mon enfance se sont ravivés hier au cœur de l'Union Européenne, dans les rues de Bruxelles. L'or de 45 000 Catalans venus «à pied, à cheval, et en voiture», pour reprendre la savoureuse expression de Michel Debré, père de la Constitution de la Ve République française. Le sang des sapeurs-pompiers de Catalogne, moins celui de leurs tenue anti-feu qu'ils arboraient que celui qu'ils ont spontanément offert à la Croix Rouge bruxelloise.

Dans un monde commandé par le profit immédiat, obéré par la corruption dont M. Rajoy est une figure insolente, il est revigorant de voir le don gratuit d'un peu de sa vie pour en sauver des dizaines. Si pour Claude Nougaro, Noirs et Blancs avaient les mêmes os, malades et accidentés de la capitale belge auront un peu de sang catalan dans leur veine. Pour un temps seulement, celui de la régénération de leurs hématies. Mais sans ce don la vie leur aurait été, peut-être, ôtée prématurément.

On trouve du rouge et du jaune, estompés, sur la Carte Nationale d'Identité espagnole, communément appelée «D.N.I.». La vice-présidente Soraya Saéz de Santamaría a curieusement rappelé que si les Catalans sont à Bruxelles, c'est parce qu'ils sont porteurs de ce D.N.I qui les accrédite aux yeux de l'U.E en matière de libre-circulation des biens et des personnes. Le D.N.I. était naguère essentiellement de couleur bleue, c'est aujourd'hui la couleur des capitales «ESPAÑA» et de leur fond et je ne peux manquer de me rappeler ces deux vers d'Antonio Machado, trouvés dans la poche de son manteau quand il est mort d'épuisement le 22 octobre 1939, à Collioure, dans un exil qui venait tout juste de commencer.

«Estos días azules
y este sol de la infancia.»
«Ces jours bleus
et ce soleil de l'enfance.»

Ce bleu, c'était la couleur de la chemise des phalangistes dont l'empreinte ne cesse de s'exercer sur l'Espagne, obsédée par sa «Race».

Pendant ce temps, j'apprends que Ramallah brûle sous l'effet des paroles de Donald Trump. Les sapeurs-pompiers, inlassablement, sans égard pour l'origine des victimes, «sauvent ou périssent».