- Une crème catalane ? - Non : brûlée.

21 décembre, jour d'incertitude ? Non : jour de certitudes.

Un ami, chanteur occitan, me raconte ce matin son voyage en Castille, cependant qu'au même moment j'étais à Barcelone. Il sent partout une hostilité sourde quand il tente de s'exprimer en catalan.

À la fin d'un repas, en espagnol, il demande une «crème catalane», on lui répond qu'ils n'en ont pas mais, par contre, qu'ils servent de la «crème brûlée».

L'hostilité n'est pas -n'est plus- contre des partis et des hommes politiques, voire les Catalans favorables à l'indépendance de leur nation. Non, elle s'exerce contre tout ce qui est lié à la Catalogne, le catalan, la catalanité. Et donc contre ceux-là même qui, Catalans de souche, de cœur ou d'adoption, voteront pour les partis unionistes.

«Crème brûlée», au lieu de «crème catalane». On peut en rire, ou en sourire. Sous la dictature franquiste, il était interdit d'inscrire au menu des restaurants de la «salade russe». On proposait alors de la «salade nationale», qui était strictement la même chose. Il est d'étranges coïncidences...

Ce rejet outrepasse les frontières de la Catalogne pour embrasser les autres communautés d'expression catalane. Comme à Valence naguère, ces semaines ci, à Minorque, d'aucuns s'expriment dans les médias, en espagnol, pour dire que le minorquin et le catalan ne sont pas la même langue. Le catalan que j'ai appris, que j'apprends, de la bouche et de la plume de mes semblables, est un manteau d'Arlequin fait de mots et de tournures minorquines, roussillonnaises, barcelonaises, majorquines, valenciennes, alicantines... Le minorquin est une modalité dialectale de la langue catalane. 

Viendrait-il à l'idée de ces esprits chagrins de dire que Gabriel García Márquez n'écrit pas en espagnol mais en colombien, ou que Mario Vargas Llosa, si prompt à croiser le fer contre les aspirations catalanes, écrit en péruvien ? Non pas. Pour la petite histoire, ces deux grands prix Nobel de littérature ont ancré leur renommée... à Barcelone, alors capitale éditoriale de l'Espagne, dans la maison d'édition Seix-Barral que le poète catalan d'expression castillane Carlos Barral avait créée en partant des éditions de livres de comptabilité de son beau-père Víctor Seix.