Vilenie

Dans un huis-clos inquiétant, le dernier film d'Alex de la Iglesia, sobrement intitulé El Bar, les clients, coutumiers ou hasardeux, d'un bar se trouvent pris au piège sans pouvoir en sortir. Les heures passant, la tension accouche de bassesses, de reniements, et le droit du plus fort s'impose. Cette vilenie, toute fictionnelle, semble avoir présidé à un épisode rocambolesque : le vol des œuvres du musée de Lleida, sous couvert d'application d'une décision de justice.

Comme pour les archives de Salamanque, un bras de fer opposait depuis plusieurs années l'État espagnol derrière le gouvernement de l'Aragon à propos d'œuvres d'art, originaires du monastère Sainte Marie de Sigena, déposées au musée de Lleida. Le bras de fer s'annonçait long, le gouvernement, arguant de l'application de l'article 155, décidément fort élastique, en a précipité l'issue en autorisant l'usage de la force pour y parvenir. Dans la nuit de dimanche à lundi derniers, les trésors ont ainsi quitté le musée public de Lleida sous une escorte de dix fourgons de la Garde Civile.

Mais ce n'est là que le début de l'imbroglio. Derrière cette manœuvre, il y avait le propre maire -socialiste- de la ville, Àngel Ros, et la police autonome catalane a chargé la centaine de manifestants ayant tenté de s'y opposer malgré l'heure inhabituelle.

Des œuvres d'art inestimables quittent un établissement public pour une institution privée dont l'un des dirigeants n'est autre que le frère du ministre de la culture, Pedro Méndez de Vigo.

À cela s'ajoute l'exhumation d'un document de 1936 prouvant que tout de village de Sigena a participé au pillage et à l'incendie du monastère.

Le mélange de corruption, de népotisme et de résurrection des vieux-démons du caïnisme est du plus mauvais aloi à neuf jours d'un scrutin illégitime dont les issues sont incertaines mais conditionneront les prochaines décennies, aussi bien en Catalogne qu'en Espagne, voire en Europe.