Un air d'indignité flotte sur la Citadelle.

Comme une amie romancière de renom, après la surprise, j'ai été marqué par la dignité des paroles du président du parlement catalan, Roger Torrent. Ce n'est que quelque heures plus tard, dans les messages filtrés, que j'ai pris conscience des motivations d'un coup de théâtre minutieusement préparé.

En Catalogne comme à l'extérieur, les CDR incluent dans leur cahier des charges l'indépendance par rapport aux partis politiques et soutiennent toute initiative qui va dans le sens de la défense et de la construction de la République catalane appelée de leurs vœux par plus de deux millions de citoyens le 21 décembre dernier. La monarchie, l'État et les médias espagnols se rengorgent du mot «Démocratie» dont ils bafouent le sens au fil des heures, au risque de faire descendre leur pays dans le marais des «démocraties imparfaites». Il ne faudrait pas que les guerres intestines au sein de la coalition favorable à l'indépendance et à la république, voire au cœur même des partis qui l'animent, ne contredisent au contrecarrent les aspirations du peuple dont elle est censée porter la voix et l'action.

Il y a quelques heures, le romancier nord-catalan Joan -Lluís Lluís citait l'abbé Escarré qui, en 1949, avait tenu ce dialogue avec un groupe de jeunes catalanistes :
«- Faites la patrie, ne faites pas de politique.
- Quelle différence y a-t-il ?
- Vous vous apercevrez que vous faites de la politique quand vous vous divisez.»

La foule, arborant des masques de Carles Puigdemont, hier, a réussi à percer l'imposant cordon policier pour envahir le Parc de la Citadelle de Barcelone où est le parlement. Les députés l'avaient déserté, à l'exception des quatre représentants de la CUP. Sans représentation populaire, face au silence assourdissant de la maire de sa capitale, le peuple était désorienté. Une occupation du parc par quelques centaines de personnes s'est organisée spontanément. Elle rappelait curieusement les «acampades» (campements) du mouvement des Indignés à Madrid et Barcelone voici bientôt sept ans. L'occupation a été levée le lendemain aux premières heures du jour. Gageons que le ver soit dans le fruit.

Face à l'indignité, l'indignation doit dépasser l'opposition Espagne vs Catalogne car, comme le suggérait Rosa María Artal, dans un article d'il y a quelques heures, la finalité de la monarchie, du gouvernement et des médias espagnols n'est pas peut-être pas l'unité de l'Espagne qui ne serait q'un écran de fumée. On a beaucoup parlé du discours saugrenu du roi Philippe VI à Davos. On a moins évoqué sa rencontre avec le magnat asiatique Lim Boon Heng.