La Catalogne a besoin de nous


(texte lu devant le Consulat d’Espagne à Montpellier,
le 27 mars 2018, à 18h30 par Jean-Claude Llinares,
du CDR de Béziers «La Barceloneta»)

La Catalogne a besoin de nous. Depuis dimanche, depuis sept mois, depuis trois-cent-quatre ans.

Dimanche, le président Carles Puigdemont, chef d'État légitime de la Catalogne a été arrêté à la frontière du Danemark et de l'Allemagne et remis à la justice allemande pour son éventuelle extradition vers l'Espagne. Sa voiture était munie d'une balise GPS, installée par les services secrets espagnols (CNI) dont une dizaine de membres suivaient le véhicule.

Il y a sept mois, une série d'attentats islamistes avaient lieu à Barcelone et à Cambrils, se soldant par la mort de 15 personnes et une centaine de blessés. L'enquête a conduit à un Imam de Ripoll, indicateur de la police espagnole. Tout porte à croire qu'il s'agissait d'une tentative de déstabilisation de la Catalogne, tentative qui a fait long feu en raison de sa résolution rapide par les Mossos d'Esquadra, sans l’aide des services policiers et d'intelligence de l'État espagnol ni d'interpol.

Il y a trois-cent-quatre ans, la Catalogne tombait devant les troupes de Madrid et d'une nouvelle dynastie, les Bourbons, qui règnent encore aujourd'hui grâce à leur restauration par le dictateur Franco. Depuis trois-cents ans, à l'exception de sporadiques années, la langue, la culture, l'éducation catalanes ont été foulées aux pieds, marginalisées et n'ont dû leur survie qu'au volontarisme des familles et du tissu associatif (chœurs, associations de quartiers, cercles paroissiaux et ouvriers).

Un printemps catalan germe et prend une force insoupçonnée et cependant fort logique. Ce ne sera pas le printemps des sourires. La répression des 20 septembre, 1er et 27 octobre, les emprisonnements, les exils, l'imposition de l'article 155, le vol d'œuvres d'arts dans ce cadre d'exception, la mainmise sur la police et les institutions catalanes, la tentative de juguler l'éducation catalane et d'imposer le retour au castillan, tout concourt à une affirmation de la démocratie catalane qui a besoin de ses nations-sœurs et, au premier chef, de la France, mère des républiques modernes.

Contrastant avec les emprisonnements politiques, la mise en liberté de dignitaires du parti corrompu au pouvoir ou d'un membre de la famille royale espagnole, rend plus que nécessaire, par delà la question catalane, un débat sur les institutions espagnoles. Car les Catalans, que l'on taxe souvent d'égoïstes, par méconnaissance, ne veulent pas seulement l'indépendance de leur nation, ils visent à l'instauration de la république. Le 21 décembre dernier, los d'élections imposées par Madrid, les partis favorables à l'indépendance de la Catalogne ont obtenu la victoire avec près de 48% des suffrages. Depuis plus de trois mois Madrid perpétue l'article 155 et se refuse à reconnaître cette victoire. Pire, le gouvernement espagnol essaie par tous les moyens d'imposer la désignation d'un président de consensus, autrement dit d'un pantin au service de la monarchie bananière qui appauvrit son pays.


Un hiver catalan


Le printemps est venu, dans l'éclat des bourgeons,
au bras des amoureux qui les frôlent en fredonnant.

Le printemps est venu, en pleine lumière, sur la neige
fondante des glaciers et dans les cocktails andalous.

Mais le printemps tarde, à l'ombre gelée des prisons.
En Castille ou dans la lointaine Allemagne. Les barreaux
épais tranchent, seconde après seconde, les espoirs innocents.

La rue s'échauffe et tourbillonne. On tient à distance les
policiers félons qui foncent dans la foule et rient aux visages
entamés. Un dimanche de braise a réuni les foules. Taisez-vous

donc et laissez-les crier. Les geôles jamais ne s'ouvriront,
à moins que la clameur, brûlante, des barreaux fassent fondre

le métal glacé. Le printemps est venu, l'automne avait menti
et vos frères humains attendent de votre langue qu'elle les délie.

Michel Bourret Guasteví, CDR de Béziers